Une chose que j’aime dans le polyamour, c’est que les gens y rencontrent des défis tellement difficiles que très vite ils se prennent leur »dark side » en pleine face. Souvent, la vie de tous les jours et la vie de couple monogame permettent de conserver la facade, d’avoir l’air gentil et normal. Cette facade, ce masque, on le porte aussi bien face aux autres au quotidien que face à soi-même devant le miroir.
On ne se regarde pas tel qu’on est, mais tel qu’on aimerait se voir pour ne pas avoir à se poser trop de questions.
L’effondrement
Le polyamour nous pousse au-delà de cette limite : ca devient vite impossible de maintenir les apparences. Y’a toujours un moment où on s’effondre, où on en a marre, où on pète un cable, où on n’est plus à la hauteur de ses propres idéaux… le coté obscur ressort et les auto-illusions en prennent plein la gueule. Cet effondrement, qu’il soit causé par l’effritement de nos idées préconcues sur la vie et l’amour, par une crise de jalousie, par une immense déception face aux comportement d’un-e amoureuxe (oui, les humains s’avèrent souvent profondément décevants…), ou pour tout un tas d’autres raisons propres à chacun, est, contrairement aux apparences, immensément constructif. C’est là que les gens sont prêts à s’ouvrir, à apprendre et à construire quelque chose de mieux…
Parce qu’il faut bien le dire, on n’a pas de motivation à changer tant qu’on est satisfait de soi. Ou qu’on est satisfait de ce qu’on pense que les autres pensent de nous… ce qui n’a, de toute évidence, pas grand chose à voir avec ce qu’on est réellement. Tant qu’on maintient l’illusion de ce qu’on croit être, on ne va pas faire exprès d’aller gratter sous la surface.
C’est la beauté du polyamour : ca vous décape le vernis des apparences en un rien de temps, et ca vous montre ce qu’il y a vraiment sous la surface. C’est pas toujours joli d’ailleurs…
La renaissance
Peu importe ce qui nous a conduits vers nos remises en question, aucune situation n’est permanente. La vie est un cycle, et les hivers les plus froids et morts sont suivis de printemps porteurs de vie. Le vide ressenti est, pour utiliser l’expression d’un personnage que j’admire, Richard Dawkins, auteur du célèbre Gène Égoiste, « un vide fort nécessaire ». Le vide laissé par les vieilles conceptions qu’on écarte, les vieilles illusions qu’on cesse d’entretenir sur soi-même. Le vide laissé par la vieille enveloppe dont on se défait, comme un serpent qui se débarasse d’une veille peau devenue trop petite pour lui. Ce vide fort nécessaire est celui que l’on pourra remplir d’une vision plus éclairée de qui est on est et de qui on veut être. Ce vide fort nécessaire est l’espace oû l’on plantera la graine d’une saine estime de soi, d’une vision claire de nos valeurs profondes, qu’on remplira de nos priorités réelles, et non de toutes ces choses inutiles au final auxquelles la société nous pousse à accorder de notre précieux temps et notre énergie.
L’effondrement de nos illusions fait peur. On ne sait pas ce qu’on deviendra au bout du processus. Et pourtant, le processus de croissance passe par être brisé d’abord. Comme le chantait le regretté Léonard Cohen : « there is a crack in everything ; that’s how the light gets in » (il y a une fissure dans tout ; c’est ainsi que la lumière peut entrer). Je nous invite tous à accueillir ces fissures à travers lesquelles la lumière se fraye un chemin.
Affectueusement,
Hypatia
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