Ayant grandi dans une société ou la monogamie était le paramètre par défaut – ce qu’on appelle monormativité – j’ai longtemps pensé que si on tombe amoureux d’une personne alors qu’on est déjà en couple, ça veut dire qu’il y a un problème dans la relation. Ou bien qu’on n’aime plus vraiment la personne avec qui on vit. Ou encore qu’il nous manque quelque chose.
Le fait d’être attiré sexuellement ou amoureusement par une tierce personne est perçu comme l’indice que quelque chose ne tourne pas rond.
Et alors, de deux choses l’une : soit on fait une croix sur la nouvelle expérience/relation potentielle afin d’assurer la pérennité du couple initial. Soit on réalise qu’on n’est plus heureux-se avec notre partenaire de vie. On se quitte pour une nouvelle relation potentiellement plus satisfaisante. Et l’on se fait croire qu’avec la nouvelle personne, il ne nous prendra plus l’envie d’aller voir ailleurs, car tous nos besoins et toutes nos envies seront enfin comblés.
Que m’arrive-t-il ?
Il y a plusieurs années, alors que mon mari et moi n’envisagions pas encore d’ouvrir notre couple, je suis involontairement tombée amoureuse d’un collègue d’université. Nous avions une belle connexion intellectuelle et une complicité spontanée. Je n’osais habituellement pas, en bonne épouse circonspecte, laisser exister entre moi et un membre du sexe opposé ce type d’étincelle. Mais cette fois, c’était différent. Résister s’avérait plus ardu qu’à l’habitude. Les fois où nos mains et nos corps s’accrochaient par inadvertance – l’était-ce vraiment ? – on pouvait sentir le courant passer entre nous. Il se passait quelque chose qui aurait pu se solder par un bête et classique adultère. Cependant, j’avais la volonté de comprendre pourquoi cela m’arrivait, au-delà des réflexions toutes faites qui affirmant que ça voulait dire que mon couple allait mal.
Le fait est que mon couple n’allait pas mal. Pas du tout. Mon couple allait même merveilleusement bien!
Au fil des années, mon mari et moi avons eu des moments plus difficiles de remise en question, comme tous les couples. Mais nous n’étions pas dans l’une de ces phases de réajustement. Tout allait bien : la communication, le sexe, les projets de vie, l’éducation des enfants… J’ai eu, à ce moment, la lucidité et l’honnêteté de ne pas justifier mon attirance envers une autre personne par des problèmes de couples qui n’existaient pas.
Ma vie était belle et pleine, et ce nouvel amour n’apparaissait pas en plein milieu d’un vide; ce nouvel amoureux était au contraire attiré par toute cette abondance. Je rayonnais, et cela attirait tout naturellement les hommes (je n’avais pas encore apprivoisé ma bisexualité à l’époque) vers moi. Alors que la grande majorité des hommes de mon entourage ne m’était d’aucun intérêt, l’un d’entre eux avait su attirer mon attention grâce à un je-ne-sais-quoi. Nous avions des atomes crochus, et il apportait un petit plus dans ma vie déjà remplie et débordante.
Une belle réalisation
Accepter cela m’a permis de faire avancer ma réflexion d’un petit pas vers le polyamour, en réalisant que mon attirance vers une autre personne ne voulait pas dire qu’il y avait un bogue à réparer dans mon couple, que mon mari avait des lacunes dont je souffrais, ou que j’étais trop ingrate pour voir la beauté de la relation amoureuse dans laquelle j’étais déjà. Je ne manquais de rien, ne souffrais de rien. Mon mari était, et est encore après toutes ces années, le compagnon de vie rêvé.
Mon attirance envers un collègue voulait seulement dire qu’il existe dans le monde d’autres personnes avec qui j’ai envie d’avoir une connexion.
Il nous faudrait encore de nombreux autres petits pas pour en arriver à ouvrir le couple, mais arrêter de voir mon désir d’avoir d’autres amoureux comme l’indicateur d’un problème a certainement été un point tournant de ma réflexion.
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