Quelqu’un m’a récemment fait l’objection que le polyamour, c’était juste une tentative de revivre l’amour libre des années 70′. Toute une génération est là pour nous rappeler que la société « has been there, done that, et que maintenant, on sait que ça fonctionne pas ». L’argument mérite d’être pris au sérieux.
J’aime croire qu’on a tout de même tiré quelques leçons du passé, et qu’il qu’il y a des différences entre ce qui s’est fait en matière de non-monogamie il y a déjà 40 ans et ce qui s’observe présentement. Voici ce qui me semble être LA différence majeure, même s’il y en a bien sur d’autres : Le mouvement d’amour libre s’est situé, pour la plupart des gens qui y ont adhéré, dans la catégorie « folies de jeunesse ». La très grande majorité des hippies a vécu cela comme une « phase d’exploration », concomitante avec d’autres types d’expérimentations plus ou moins orthodoxes incluant la drogue, la promiscuité, le rejet de l’autorité et des modèles sociaux dominants.
Mais ensuite ?
Toutefois, une fois venu le temps de fonder une famille, la quasi-totalité d’entre eux s’était vu contrainte de rentrer dans les rangs et d’assumer des rôles socialement plus acceptables, ramenant chacun à se conformer aux attentes sommes toutes assez patriarcales en fonction des sexes. Le féminisme avait encore du chemin à faire pour libérer les femmes et les hommes des contraintes imposées par un passé plusieurs fois millénaire qui imposait aux femmes de sacrifier leur carrière pour élever leurs enfants, et aux hommes de sacrifier leur vie de famille pour se faire pourvoyeurs.
La grande question que n’avaient pas résolue les hippies était la suivante : « une fois que tout cet amour libre a produit des rejetons, les enfants, qui est-ce qui s’en occupe? ».
La question démontre bien qu’on avait encore du travail à faire afin de libérer la sexualité de son aspect strictement procréateur. Reste qu’encore aujourd’hui, la plupart des gens souhaitent inclure des enfants dans leur parcours de vie, même si on le fait pour des raisons peut-être un peu différentes qu’au siècle dernier.
Polyamour et vie familiale
Je crois que c’est l’une des contribution essentielles du polyamour contemporain : ce mode de vie et éthique relationnelle offrent toute la place nécessaire et toutes les possibilités de configuration pour fonder une famille sans avoir à sacrifier l’épanouissement amoureux auprès de plusieurs partenaires. Cela est notamment possible grâce aux avancées du féminisme qui a déconstruit les rôles traditionnels parentaux. Qui rapporte les sous? qui change les couches? qui raconte l’histoire avant le dodo? tout ça a été renégocié au profit d’une plus grande fluidité et adaptabilité qui sont des valeurs intrinsèques du polyamour.
La plupart des couples polyamoureux choisiront tout de même un modèle familial plutôt traditionnel, deux parents et un ou plusieurs enfants. Les amoureuxes étant satellitaires à la famille. Les enfants seront au courant ou pas des relations amoureuses de leurs parents. Toutefois, d’autres familles vont sortir des sentiers battus et décider d’élever des enfants à trois, quatre adultes, ou plus, dans une sorte de modèle communautaire qui n’est pas sans rappeler les sociétés traditionnelles, d’où nous est venu le dicton « il faut tout un village pour élever un enfant ». Face aux exigences toujours croissantes de la vie moderne, être plus de deux parents (ou adultes significatifs) à élever des enfants n’est pas superflu.
Un modèle familial qui s’adapte selon les besoins
Le polyamour offre à chaque polycule la possibilité de créer sa propre configuration pour créer une vie de famille conforme à ses propres besoins. Dans un tel contexte, être parent n’est même plus soumis aux impératifs de la biologie, puisqu’on peut choisir d’être co-parent d’un enfant qu’on n’a pas conçu soi-même. Le phénomène était déjà de plus en plus fréquent en raison du taux élevé de familles recomposées, plusieurs hommes et femmes se retrouvant d’emblée à jouer un rôle significatif dans la vie des enfants de leur nouveau conjoint-e. Mais ce phénomène prend une tournure différente lorsqu’il s’agit d’une triade ou d’un quade qui met au monde un enfant : seulement deux personnes seront génitrices – encore que la science est sur le point de démentir cette nécessité – mais tous les adultes impliqués ont le potentiel d’être parents et de participer à part entière à la vie de famille et à l’éducation des enfants.
Ainsi, le polyamour et la liberté amoureuse qu’il confère aux individus n’a pas à être remis en question ou mis de côté pour fonder une famille. Avoir des enfants peut être, chez les polyamoureux comme chez les monogames, le prolongement des relations amoureuses et l’incarnation des projets de vie.
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