Marie-Claude L'Archer - Le blogue

Coming out et Rejet

par | Avr 27, 2016 | Sortir du placard | 4 commentaires

J’ai grandi dans une famille Baptiste Évangélique. On attendait la Fin du Monde en chantant des cantiques à Jésus et on essayait de rester vierges jusqu’au mariage. J’étais meilleure pour chanter des cantiques que pour rester vierge… mais passons. J’ai déçu mes parents en apostasiant ma foi au début de l’age adulte. Ma mère, qui ne va plus à l’église, est restée très croyante. Je n’avais aucune idée de comment elle vivrait d’apprendre que j’étais devenue polyamoureuse. Elle avait toujours manifesté une sorte d’acceptation résignée envers mes choix de vie assez marginaux. Je me disais qu’elle aurait peut être la même attitude concernant l’ouverture de mon couple. Je me mettais le doigt dans l’œil !

Le moment fatidique

C’est arrivé un lendemain de bal érotique de Monde Osé, il y a 3 ans. Victor, Clio y étions allés en triade. Un photographe avait pris quelques clichés de nous en tenues assez révélatrices. Un ami posta l’une de ces photos sur mon mur Facebook. Je me questionnai pendant quelques secondes, à savoir si je devais retirer cette photo compromettante, ou si je devais la laisser là.

Si je n’avais jusqu’alors pas crié sur les toits mon mode de vie polyamoureux, il n’en demeurait pas moins que je n’avais rien à cacher non plus.

Je décidai de laisser la photo où elle était, en me disant que ce serait l’occasion pour les curieux de poser des questions… et que ceux qui préféraient ne pas savoir pourraient bien faire comme s’ils n’avaient rien vu. Je me félicitai de ma stratégie. Malheureusement, la seule personne qui posa des questions fut la seule personne qui ne voulait pas savoir non plus!

À la vue de cette photo mettant en évidence mes cuisses en porte-jarretelles, ma mère fut prise de panique, et demanda si je faisais des  »échanges de couples ». Dans le feu de l’action et m’attendant à pouvoir donner une longue explication, je répondis laconiquement que  »en quelque sorte… ». Ce n’était apparemment pas la bonne réponse. Une réaction hystérique ne se fit pas attendre. Entre les  »je croyais que ça allait bien dans ton couple » et les  »j’ai toujours été fière de ma fille » qui sous-entendaient que là, elle n’était plus fière du tout, je n’ai pas réussi à placer d’autre phrase que  »tu te fais probablement une fausse idée de ce que je vis. Tu peux me poser toutes les questions que tu veux, comme ca je pourrai t’expliquer mieux de quoi il s’agit. Ca n’est pas encore très connu, mais environ 5% de la population vit une forme d’ouverture de couple. C’est donc plus fréquent que ce que les gens imaginent. » Ce à quoi elle m’a répondu qu’il y avait aussi des pédophiles et des meurtriers et que c’est pas parce qu’il y a un pourcentage de la population qui fait ça que ça rend ces choses correctes.

Le rejet

Ma mère venait de me comparer à un pédophile ou un meurtrier… Je ne me serais jamais attendue à me faire dire quelque chose d’aussi rabaissant de la part de quelqu’un qui m’aimait. Les pédophiles et les meurtriers font du mal aux autres. Elle ne semblait pas voir que mes choix de vie ne faisaient de mal à personne, même si par ailleurs, elle ne les comprenait pas. Paradoxalement, s’il y a une chose à laquelle mon éducation religieuse m’a très bien préparée, c’est à faire mon coming-out en tant que polyamoureuse ! Ne riez pas, c’est tout à fait vrai. En tant que bonne petite baptiste bien pensante, j’ai grandi en me faisant dire que j’allais être persécutée et rejetée pour mes croyances religieuses, et on me préparait à encaisser sans broncher. Il y a quelque chose de très similaire à accepter d’être rejeté pour sa foi et accepter d’être rejeté à cause du polyamour ; dans les deux cas, on refuse de porter la faute du rejet exprimé par l’autre ou de laisser cela affecter sa perception de soi de manière négative.

Cela fait maintenant trois ans. Et nous avons eu des hauts et des bas. Des hauts lorsque nous arrivons à avoir des discussions triviales en faisant semblant de rien. Des bas lorsqu’il lui prend, environ une fois par 6 mois, une envie irrépressible de me faire la morale sur ma vie. Elle voudrait notamment que je me sépare de mon mari, car pour elle, si Victor et moi avons d’autres relations, c’est parce que ça va mal entre nous et qu’on ne s’aime plus, une question que j’ai déjà évoquée dans l’article POURQUOI RESTER ENSEMBLE SI VOUS AIMEZ QUELQU’UN D’AUTRE?

Si j’écris cet article aujourd’hui, c’est parce que je crois qu’il est nécessaire de dire que pas tous les coming out se passent bien. Certains, comme mon coming out à mes enfants, et le coming out de mes amis Paul et Pauline à leurs enfants, nous font voir qu’il y a dans le monde de l’ouverture d’esprit et de l’espoir que chacun puisse choisir sa propre voie en matière d’amour et de sexualité. Mais il faut aussi donner l’heure juste et faire entendre que parfois, ca se passe mal, qu’on vit du rejet de la part de nos proches et des gens qu’on aime. Pour cela, il y a le soutien de la communauté polyamoureuse.

Si vous avez vécu du rejet de la part de votre famille ou vos amis et que vous souhaitez le partager avec les autres lecteurs, la section commentaire est là pour accueillir vos témoignages.

Affectueusement,

Hypatia

Tous les articles

Retour sur les apprentissages

J’ai eu une conversation très intéressante aujourd’hui au sujet de la gratitude. Ma réflexion portait essentiellement sur les rencontres faites dans les derniers mois. On parle beaucoup des défis à surmonter dans ce foisonnant univers du polyamour. Aujourd’hui j’ai...

Le polyamour goes viral

Il y a 10 ans, lorsque j'ai assisté à la première rencontre de ce qui allait devenir Polyamour Montréal Communauté, avec une douzaine d'autres personnes, dans une petite salle réservée au Végo sur St-Denis, le polyamour était un phénomène vraiment marginal et...

Polyamour et sexepositivité

Polyamour et sexepositivité

Parler de sexualité polyamoureuse avec des monogames est un sujet potentiellement glissant, car c’est là que les préjugés se font le plus sentir. Ils ont beaucoup de questions sur comment ça se passe dans la chambre à coucher des polyamoureux, avec, le plus souvent, la question qui tue : « Est-ce que vous avez du sexe tous ensemble? »

Anxiété et limites personnelles

Anxiété et limites personnelles

Hier je parlais avec mon amie Valérie qui est thérapeute, lui disant combien j’ai de la difficulté à identifier mes limites personnelles. Que je n’ai pas de signal qui me dit « Hey, tu es en train d’aller plus loin que ce dont tu es capable! » Et mon amie, qui me connait tellement bien et qui est très sage de me répondre :  »Et ton anxiété? tu trouves pas qu’elle est là pour t’indiquer quand tu les dépasses, tes limites? » Boom! Dans mes dents!!!

Lettre aux polyamoureux aguerris

Lettre aux polyamoureux aguerris

Hier, mon amie Valérie, qui est thérapeute polyamoureuse, me partageait son désarroi face à une situation que j’ai aussi constatée sur divers groupe polyamoureux sur les médias sociaux: Nous ne sommes plus un safe space pour les débutants et les personnes qui ont des difficultés.

Est-ce que ca devient plus facile avec le temps?

Est-ce que ca devient plus facile avec le temps?

Hier, j’ai eu une mauvaise journée. J’en avais plein mon cul de tout un paquet d’affaires, incluant le polyamour. J’en avais plein mon cul de mes peurs, de mes doutes, de me sentir fragile. Pour ma défense, j’étais en plein SPM. Donc toutes mes émotions étaient amplifiées. N’empêche, une fois de temps en temps, j’aurais envie de baisser les bras et être monogame, juste pour que ce soit plus facile.

Que faire si on m’accuse d’agression sexuelle?

Que faire si on m’accuse d’agression sexuelle?

En 2018, un de mes héros et role-model depuis mes premiers balbutiements dans le polyamour, Reid Mihalko, celui à qui nous devons la pieuvre de la jalousie à 8 pattes, a été accusé d’agression sexuelle. Ca a dû prendre un sacré courage à la victime pour dénoncer une personne connue! Ca a dû prendre un sacré courage à Reid pour avoir l’humilité d’admettre que même s’il enseigne et pratique de son mieux le consentement (c’est son métier d’être sex educator), il l’avait moins bien mis en pratique qu’il ne croyait. Son premier réflexe a, bien entendu, été de nier que c’était arrivé. Mais — et c’est là que je suis fière de dire que c’est encore plus mon héros aujourd’hui — il s’est rétracté, et a eu la volonté d’écouter, d’apprendre et de grandir à travers cette épreuve.

Thème : Général