Ça fait quelques fois que j’entends les questionnements de personnes qui, s’étant crues polyamoureuses pour de bon, sont consternées de voir qu’en tombant amoureuses d’un-e nouvelleau partenaire, ont envie de monogamie. Cela jette apparemment le désarroi pour ceux qui s’imaginent qu’on est soit polyamoureux, soit monogame, mais pas les deux.
Or, n’en déplaise à ceux qui aiment les choses bien carrées et bien définies, la vie ne fonctionne pas comme ça : L’existence est faite ce cycles, de transformations, de croissance et de fluctuations. Notre climat comporte 4 saisons, et chacune vient avec ses exigences et ses plaisirs. L’amour et la vie de couple viennent également avec des »saisons », qui ont chacune leur charme, leurs insécurités, leurs besoins de construire.
L’humain, s’il reste vraiment à l’écoute de ses besoins intérieurs réels, n’est pas SOIT polyamoureux, SOIT monogame ; il est plutôt monogame dans certaines périodes de vie, et polyamoureux dans d’autres périodes. En fait, on pourrait dire qu’un monogame est un polyamoureux qui est polysaturé à une seule relation !
Les hormones… encore les hormones !
Lorsque nous tombons amoureuxe d’une nouvelle personne, nous éprouvons tout un assortiment d’émotions voluptueuses et exaltantes que nous avons l’habitude de nommer énergie de la nouvelle relation (ENR). Cette énergie est produite par un cocktail d’hormones au cerveau (dopamine, adrénaline, ocytocine, phényléthylamine). Cet état, qui fait que vous voyez l’autre dans votre soupe, que vous n’arrivez plus à penser à autre chose qu’à ellui, que vous ne voyez que ses qualités et que vous trouvez que cette personne répond à tous vos besoins et que vous ne pourrez plus jamais avoir besoin de quelqu’un d’autre de toute votre vie est non seulement agréable et déroutant, il est également UTILE ! Dans la nature, il sert à consolider les relations naissantes, de sorte que des couples se forme de façon durable (et pas seulement le temps d’un coït comme chez plusieurs animaux). Cela s’explique par le fait que du point de vue de l’évolution et de la sélection naturelle, les petits humains qui naîtront éventuellement de cette relation ont plus de chances de survivre si leurs parents restent ensemble longtemps.
Si la nature nous fait tomber amoureux afin que nous reproduisions notre ADN à travers une progéniture nombreuse, cela n’est pas forcément notre objectif personnel en tant qu’individu moderne. Ou peut-être pas dans l’immédiat. Plus concrètement, le cocktail d’hormones au cerveau que nous évoquions il y a un instant a aussi pour effet de nous rendre plus exclusif, de nous donner temporairement envie uniquement de cette seule personne qui a conquis notre cœur. Pour ceux qui n’ont jamais encore expérimenté ce désir de se concentrer sur un seul et unique amour, cela peut créer une violente confrontation intérieure, tant du point de vue de leurs idéaux d’ouverture que du point de vue de leur identité personnelle.
Monogame ou polyamoureux ?
J’ai entendu plusieurs personnes qui en concluaient que peut-être qu’ils s’étaient crus polyamoureux simplement parce qu’ils n’avaient pas encore rencontré la bonne personne avec qui se lancer dans une vie de monogamie. C’est une possibilité. Parfois, une personne débarque dans notre vie et fait soudainement office de game changer, c’est à dire que cette personne fera complètement changer notre perception des relations amoureuses et de couple. Souvent, il s’agit de quelqu’un qui va mettre la barre nettement plus haute, amener notre vie affective à un niveau jusque là insoupçonné, d’une manière si marquante que nous sentons que nous ne pourrons plus jamais revenir en arrière et nous contenter de moins. Si votre nouvelleau amoureuxe est de ces personnes qui vous changent la vie de manière irrémédiable, embrassez ce changement et soyez reconnaissant-e de la découverte !
Mais il se peut aussi que ce soit tout simplement que l’énergie de la nouvelle relation vous donne envie de n’avoir personne d’autre pour un bout de temps ou même pour toute la vie. Pourquoi juger ce besoin ou cette envie ? Qu’est-ce qui vous empêche d’être monogames ? Pour certains, ce peut être parce qu’ils ont pensé et dit tellement de mal de la monogamie et des relations uniques que ce volte-face risque d’entraîner des sourires en coin de la part de l’entourage. Peut-être est-ce un peu mérité… En tant que polyamoureux, nous devrions toujours respecter le choix des monogames. Pour plusieurs, il s’agit certes d’un non-choix, d’un manque de connaissance ou d’un manque de courage, mais pour plusieurs, être mono reflète réellement leur état intérieur et répond réellement à leurs besoins relationnels. Peut-être craignez-vous le jugement de vos amis de la communauté polyamoureuse. Ce serait bien triste que d’avoir peur du jugement de gens qui se disent ouverts d’esprit, non ?
Monogames pour toujours ?
Réalistement, il y a peu de chances que votre besoin de monogamie dure éternellement. Lorsque la phase d’énergie de la nouvelle relation s’estompe, que les hormones reviennent dans des paramètres normaux, que le besoin de sécurité dans votre relation s’est consolidé (voir mon article sur les 6 besoins fondamentaux), ce qui peut durer des semaines, des mois, voire plusieurs années selon les personnes et les couples, il est probable que vous ayez à nouveau envie de sortir la tête de votre petit cocon d’amour, envie d’émerger un peu de la petite bulle que vous vous êtes créée à deux, histoire de voir ce que le monde a à offrir, faire de nouvelles rencontre, créer de nouveaux liens, et … de retomber amoureuxe encore une fois !
J’ai moi-même été pendant de nombreuses années une monogame très convaincue, fidèle (et jalouse !). J’ai ensuite eu envie d’ouvrir mon couple et de développer de nouvelles relations. Après avoir bien taté le terrain et exploré diverses possibilités, je me définis maintenant comme un mélange de polyamoureuse relativement saturée et de libertine occasionnelle (parce que l’occasion fait le larron, comme dit le proverbe!). Mais cela n’exclut en rien que je revive des phases de vie monogame ou de polyamour plus intensif, suivant les circonstances de la vie. Ce qui compte dans tout ça, c’est que je respecte mon besoin du moment, tout en tenant compte des besoins de mes partenaires également, cela va de soi.
Affectueusement,
Hypatia
[paypal_donation_button]