Marie-Claude L'Archer - Le blogue

Kitchen-table-poly ou parallel-poly : Quel est votre style de polyamour?

par | Déc 15, 2015 | Communication, Jalousie et compersion, Métamours | 1 commentaire

Nous allons aborder dans cet article un élément qui pourrait s’avérer déterminant entre le succès ou l’échec de vos relations: faut-il que le papier de toilette se déroule vers le haut ou vers le bas? Je plaisante! Cet élément fondamental est la manière dont vous percevez les interactions – ou l’absence d’interaction – entre vos différents partenaires et relations. Vous avez sans doute déjà remarqué que certaines polyamoureux se la jouent plutôt communautaire, mélangeant allègrement leurs différents partenaires dans un même party, tantôt embrassant l’un, faisant un câlin à l’autre la minute d’après. Vous connaissez aussi d’autres polyamoureux qui vont soigneusement limiter les contacts. Leurs différents partenaires connaissent l’existence les un des autres, mais on ne crée pas de lien entre métamours et le partage d’information sur ce qui se passe dans chaque relation est limité, dans une perspective de respect de la vie privée de chacun.

Les premiers, les kitchen-table-poly, ou polyamoureux de cuisine, sont, comme leur nom l’indique, du genre à se retrouver autour d’une table à discuter entre partenaires et métamours, voire avec les amis et la famille des uns et des autres, afin de créer une connexion entre toutes les personnes qui font partie de leur vie et d’avoir les canaux de communication ouverts. Il y a une volonté de coopération afin que tout le monde soit aussi confortable que possible avec les autres relations de leurs partenaires. L’objectif est de s’assurer que tout le monde soit entendu et ait l’espace d’exprimer ses besoins et son ressenti. Les seconds, les parallel-poly, ou polyamoureux de corridor, on des relations amoureuses se vivent en parallèle les unes des autres, avec un effort tout particulier pour que chaque relation ait le moins possible d’impact sur les autres. L’information circule peu entre les partenaires à propos de ce qui se vit avec d’autres personnes, le principe étant que moins chacun en sait, mieux tout le monde se porte.

Ces deux catégories ne sont toutefois pas des boites séparées, mais plutôt un continuum: personne n’est 100 % kitchen-table-poly, ni 100 % parallel-poly. On se situe plutôt quelque part sur un spectre, avec une propension à préférer l’une ou l’autre des deux approches . Je dirais que je suis 80 % kitchen-table-poly, ce qui signifie que je préfère nettement avoir des partenaires qui apprécient de partager des activités et ont une belle amitié. Je préfère avoir des métamours que j’aime bien et dont j’apprécie la présence dans la vie de mes amoureux-ses. J’aime bien être au fait de ce que mes partenaires vivent avec d’autres personnes et de l’évolution de leur lien. mais en dépit de ces préférences, j’ai une marge de manœuvre pour respecter que certains métamours n’aient pas envie de me connaître ni me côtoyer, et pour respecter la vie privée de mes partenaires et métamours sans m’ingérer dans les sphères de leur relation qu’ils veulent garder entre eux. Ceci dit, c’est à chacun de déterminer où il se situe sur ce continuum entre polyamoureux de cuisine et polyamoureux de corridor. Il n’y a pas de bonne réponse. Il n’y a que la réponse qui nous correspond véritablement.

Ces styles de polyamour visent tout deux à éviter la jalousie ou mieux, à favoriser la compersion. La différence entre les deux porte essentiellement sur ce qu’on perçoit comme rassurant. Certaines personnes sont rassurées par le sentiment d’inclusion, de coopération et de transparence offerts par le polyamour de cuisine, tandis que d’autres sont rassurées par la discrétion et l’autonomie fournies par le polyamour parallèle.

Puisque dans une relation et dans un polycule personne n’a exactement les mêmes besoins et désirs, les partenaires ont avantage à être clairs quant à leurs attentes respectives sur comment se gèrent les relations entre métamour, la vie de polycule, la circulation de l’information, le respect de la vie privée et l’autonomie des différentes connexions. À cet effet, voici quelques questions qui peuvent servir de base de discussion :

  • Est-ce que j’aimerais rencontrer mes métamours? Faire des activités communes? Développer une amitié avec elleux?
  • Est-ce que j’aimerais que mes partenaires se rencontrent? Est-ce que j’aimerais faire des activités avec l’ensemble de mon polycule?
  • Certaines personnes souhaitent avoir des relations sexuelles impliquant plus d’un-e partenaire, voire l’intièreté du polycule ; est-ce que cela fait partie de mes aspirations? qu’en pensent mes partenaires?
  • Lorsqu’un problème survient, qui doit-on impliquer dans les discussions visant à le régler? Comment procède-t-on?
  • Qu’est-ce que je considère important que mon partenaire échange avec moi concernant ses autres relations et partenaires?
  • Qu’est-ce que je considère important que mon partenaire n’échange pas avec moi au sujet de ses autres relations et partenaires?
  • Qu’est-ce que mon partenaire peut dire à ses autres partenaires à mon sujet?
  • Qu’est-ce que mon partenaire devrait garder privé à mon sujet?
  • À quel moment souhaiterai-je être informé lorsqu’un partenaire débute une nouvelle relation? Quand il/elle s’intéresse potentiellement à une personne? Quand il/elle commence à dater la personne? Quand il/elle devient amoureux d’une nouvelle personne?

Il faut s’assurer, aussi tôt que possible au début d’une relation, que notre style et celui de l’autre sont compatibles. Mon expérience m’a démontré qu’on ne peut pas forcer quelqu’un à fonctionner sur un modèle avec lequel il n’est pas confortable. On peut s’adapter jusqu’à un certain point, mais la compersion se développe beaucoup plus facilement si chacun se respecte dans ses propres besoin en la matière.

En terminant, un truc pratique si vous avez envie d’échanger avec votre partenaire concernant vos autres relations, mais craignez d’enfreindre le respect de sa vie privée: évitez de parler de cet-te autre partenaire (ce qu’elle a dit, ce qu’elle a fait), parlez plutôt de ce que vous vivez et ressentez par rapport à cette relation : « Ma relation avec Alice m’apporte …………. » « J’aime être avec Bob parce que …………….. ». Ainsi, vous évitez de dévoiler des détails qui devraient rester privés.

 Apprenez-en plus à ce sujet dans

https://www.amazon.com/Compersion-Transcender-jalousie-polyamour-French-ebook/dp/B074T7NYXR/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1536260470&sr=8-2&keywords=compersion

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Thème : Général