Hier, j’ai eu une mauvaise journée. J’en avais plein mon cul de tout un paquet d’affaires, incluant le polyamour. J’en avais plein mon cul de mes peurs, de mes doutes, de me sentir fragile. Pour ma défense, j’étais en plein SPM. Donc toutes mes émotions étaient amplifiées. N’empêche, une fois de temps en temps, j’aurais envie de baisser les bras et être monogame, juste pour que ce soit plus facile. Mais je ne peux pas. J’ai déjà essayé d’être monogame, et ca ne fonctionne pas pour moi. Je sais que je peux passer quelques années avec une seule personne et que j’en serai très satisfaite, mais qu’éventuellement, je tomberai amoureuse de quelqu’un d’autre, même en essayant très très fort que ca n’arrive pas. Pour moi, le polyamour est une nécessité. Mais une fois de temps en temps, c’est une nécessité plus difficile à vivre.
Ca fait maintenant six ans que je suis polyamoureuse, et ce genre de « mauvaise journée », j’en avais beaucoup plus souvent au début. Et c’était plus intense. Et j’étais moins bien outillée. Et je ne savais pas comment traverser ce genre d’état de crise sans éclabousser tout mon polycule au complet, voire sans briser une de mes relations. Mon mari à l’époque disait que c’était une journée « nuke the planet » (bombarder la planète à l’arme nucléaire). Je ne pouvais pas avoir une mauvaise journée sans entraîner tout le monde dans ma chute.
C’était d’autant plus dévastateur que je ne devais pas seulement gérer comment je me sentais sur le moment, mais surtout gérer par la suite les catastrophes que j’avais causées dans mes relations dans mes moments de souffrance. Et la honte de ne pas avoir été à la hauteur de la polyamoureuse parfaite que j’essayais d’être.
On me demande souvent si le polyamour et les émotions qu’il suscite deviennent plus faciles avec le temps. Oui, ca le devient. Au début, on a l’impression d’avoir autant — sinon plus — de mauvaises journées que de journées où l’on baigne dans l’harmonie et la compersion. Éventuellement, le ratio s’inverse, et pour peu qu’on soit avec les bonnes personnes et que notre vie soit relativement sur les rails (une pandémie peut certainement nous mettre les bâtons dans les roues…), le rapport s’équilibre et on a beaucoup plus de bonnes journées que de journées éprouvantes. Il n’y a pas un moment où ça devient facile pour toujours et où on a fini pour de bons de gérer des émotions et de dealer avec de nouvelles situations. Il n’y a pas un moment où on peut se dire qu’on est « arrivé » au sommet de la montagne et qu’on n’aura plus jamais besoin de faire d’efforts ou de nouveaux apprentissages. Il n’y a pas un moment où on a enfin relevé de dernier défi et que tout le reste sera une balade au bord de la plage au soleil couchant pour le reste de notre vie de polyamoureux-se. Il reste toujours des défis. La vie est faite comme ca. Même pour les monogames, d’ailleurs. Seulement, le polyamour tend à en rajouter une couche par-dessus. Mais ca devient plus facile.
Et hier, j’ai eu une mauvaise journée. Mais j’ai écrit à mon amie Isa, qui m’a accueillie avec toute l’empathie dont je la sais capable. Et j’ai eu un souper chez mon ex-amoureuse Jasmine, qui m’a présenté sa nouvelle compagne Camille. Et j’ai rencontré d’autres belles personnes, et les entendre parler de leurs relations m’a fait du bien. Et je me suis rappelée pourquoi je suis polyamoureuse. Pour toutes les autres journées où ça va bien. Et j’ai terminé ma journée collée sur mon amoureux Pascal, en discutant de tout ca. Et contrairement à il y a six ans, même si j’ai traversé un moment difficile, je n’ai pas entraîné tout le monde dans ma chute. Je n’ai brisé aucune de mes relations. Je me suis prise par la main et accompagnée dans mon « trop d’émotions ». Et aujourd’hui est un autre jour et ça va mieux.
Affectueusement,
Marie-Claude, alias Hypatia