Marie-Claude L'Archer - Le blogue

Les polyamoureux et la prise de décision

par | Nov 25, 2015 | Communication | 3 commentaires

La situation se présente comme suit : un gentil gars polyamoureux a deux copines qu’il adore, et il a super hâte de les revoir toute les deux car ça fait des mois qu’il est en voyage. Pendant son absence, il a sous-loué son appartement, de sorte qu’il n’a pas d’endroit ou débarquer à Montréal pendant la première semaine. L’une de ses copines – on l’appellera Alice pour les besoins de l’histoire – lui offre gentiment de l’héberger pendant ce temps. Il accepte son offre : Problème réglé ?

Nouveau problème : comment annoncer à sa deuxième copine, Sarah, qu’il va loger chez Alice sans causer une catastrophe aux proportions apocalyptiques? En effet, comment expliquer à une personne qu’on a pris une décision qui aurait un impact sur elle (qu’on le veuille ou non, Sarah est touchée par cette décision… c’est bien ce qui inquiète notre ami polyamoureux ici concerné) sans lui avoir auparavant demandé son avis ? On pourrait être tenté de rationaliser la situation en disant que ca ne concerne pas Sarah et que ca ne change rien pour elle. Sauf que dans la réalité, il est fort possible qu’elle ressente des émotions à ce sujet et que son bien-être en soit affecté. Dès lors, elle est involontairement concernée, que l’on considère lesdites émotions légitimes ou pas.

Ce qui nous amène à l’un des principes fondamentaux du polyamour mis de l’avant dans More than Two : a Practical Guide to Ethical PolyamoryChaque personne qui sera touchée par une décision devrait, dans la mesure du possible, être consultée avant que la décision se prenne. Pas qu’il soit possible de plaire à tout le monde.  C’est déjà compliqué de prendre des décisions à deux, plus il y a de gens impliqués dans une prise de décision, plus il devient hasardeux de trouver un compromis qui convienne à tout le monde. N’empêche que des fois, trois cerveaux valent mieux que deux, et il arrive qu’une petite séance de brainstorming apporte des idées nouvelles pour répondre aux besoins de tout le monde.

Parce que l’idéal dans le polyamour est toujours de trouver des solutions gagnant-gagnant. Il ne faut pas partir d’emblée avec l’idée négative que quelqu’un doit obligatoirement ressortir déçu ; parfois, c’est possible de faire plaisir à tout le monde.

Bien entendu, consulter toutes les personnes concernées ne mène pas toujours à un compromis satisfaisant pour tout le monde. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue un élément très simple de la psychologie humaine : vous êtes bien plus susceptible d’accepter une décision, même une qui ne fait pas votre affaire, si on vous a demandé votre avis et qu’on a entendu votre opinion et vos arguments. À l’opposé, si on vous impose une décision qui vous déplaît, ne serait-ce que légèrement, votre perception et votre réaction en seront d’autant plus négatives que si vous n’avez pas eu voix au chapitre. Ne pas être consulté s’accompagne chez à peu près tout le monde d’un éventail d’émotions négatives allant du sentiment d’être traité comme un objet plutôt que comme une personne, à la jalousie envers le partenaire  qui semble obtenir d’avantage, en passant par le sentiment d’être infantilisé ou de ne pas avoir d’emprise sur sa vie amoureuse.

Souvent, on n’ose pas se lancer dans ce genre de discussion de consultation par peur de créer un problème qui n’existe pas encore. Je sais pas pour vous, mais j’ai rarement vu que c’était plus simple d’essayer de régler les pots cassés après que le mal ait été fait. 

Ça ne veut pas dire que c’est impossible. Dans le cas de Bob, on lui suggère par exemple de dire à Sarah « Je me rends compte que j’aurais du te demander comment tu te sentais à l’idée que je loge chez Alice avant de prendre ma décision ».

Lorsqu’on a causé des sentiments de tristesse (ou autre) à quelqu’un, même lorsqu’on a agi sans mauvaise intention, « je m’excuse » n’est jamais superflu et fait des merveilles pour changer le ton d’une discussion délicate. Et puis, certaines questions peuvent aider à négocier les termes de la réconciliation, comme par exemple : « que puis-je faire pour rendre cette situation plus facile pour toi ? » « comment puis-je te montrer que tu es importante pour moi ? » « j’ai envie de passer du temps avec toi ; y a-t-il quelque chose que tu aimerais particulièrement faire pour célébrer nos retrouvailles ? »

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