Marie-Claude L'Archer - Le blogue

« J’ai parlé de mon désir d’ouvrir le couple… »

par | Fév 5, 2016 | Communication, Sortir du placard | 2 commentaires

Folies de jeunesse

C’est durant la vingtaine que j’ai réalisé ce que je voulais en amour. Un brin d’échangisme avec une ancienne copine et un bon couple d’amis et soudainement les règles inculquées n’avaient plus de sens.

La notion de l’avarice affective, comme quoi l’amour est une ressource limitée et épuisable qui doit être préservée pour le bénéfice d’une seule personne, me semblait bête et simpliste.

Pourquoi être avare d’une telle richesse lorsqu’elle est garante de tant de bonheur? Pourquoi fermer la porter à ces relations si essentielles au cheminement d’une vie? Non. Je ne voyais aucun mal à la monogamie, mais je refusais de croire qu’il s’agissait là de la seule option.

Le terme Polyamour n’entra dans mon vocabulaire que quelques années plus tard, alors que j’étais en relation monogame avec une nouvelle conjointe. C’était mon choix et je m’en satisfaisais. Ma copine était au courant de mes expériences passées ; elle n’était pas offusquée par mon libertinage, mais, pour utiliser ses propres mots : « ce n’était pas pour elle ». Par conséquent, ce n’était donc pas « pour nous ». C’était correct. Être en relation implique un certain nombre de concessions. Du reste, ces expériences étaient devenues, après un temps, un peu inconséquentes : des folies de jeunesses à se rappeler à l’occasion. Des histoires à faire rougir, mais rien de véritablement sérieux. Parce que, vraiment, qui fait ce genre de chose-là ? Qui vit ce genre de vie-là ?

On devient sérieux

Mais au fil du temps on en vient à mieux assimiler les leçons reçues. On comprend d’avantage l’importance d’être authentique et fidèle à soi-même ; la valeur d’une vie menée avec ouverture et curiosité, où les opportunités et les nouvelles expériences sont accueillies avec enthousiasme et non pas rejetées avec colère ou indifférence.

On comprend que la vie se doit d’être vécue selon nos choix et selon nos désirs, au risque de voir celle-ci se jouer au dépend ou indépendamment de nous-mêmes.

Je me rendais compte que, sans être malheureux, je n’en étais pas pour autant heureux. J’aimais ma conjointe et la relation que j’entretenais avec elle, mais il m’était devenu impossible d’ignorer mes convictions. Après 10 ans de monogamie, j’en avais assez. Et je croyais, avec toute la certitude du monde, que la pratique du polyamour serait une expérience saine et enrichissante à tous deux.

LA conversation qui a tout fait basculer !

J’aimerais pouvoir dire que la proposition a été reçue avec curiosité et enthousiasme. Au pire, j’aimerais pouvoir dire que les craintes et les incertitudes ont malgré tout donné naissance à un dialogue serein et constructif.

Mais ce n’est pas le cas.

Mon erreur a été d’avoir présumé, orgueilleusement, que 10 ans de vie commune, d’honnêteté et de fidélité m’avaient donné droit à un quelconque « bénéfice du doute ».

Je croyais innocemment que l’amour et la confiance ouvraient toutes les portes.

Je pensais que, puisque je voyais le polyamour sous un jour si positif, ma conjointe, certainement, ne pourrait qu’en faire autant. J’étais prêt à gérer le doute et l’incrédulité, la jalousie… la colère même. J’avais passé des semaines à étudier la question, à me préparer, à essayer de trouver les bons mots, les bonnes paroles pour la rassurer, pour lui dire : « Non chérie, ne pleure pas, je t’aime, je te veux près de moi, je te veux avec moi, ce n’est pas contre toi, c’est pour moi, c’est pour nous… »

Je n’étais pas prêt à recevoir une réponse si négative, à devoir faire face à une fermeture si farouche et si obstinée. Du coup je ne reconnaissais plus ma conjointe. Cette personne si prompte à clore le dialogue et à brandir la menace de la rupture ne pouvait être celle avec qui j’avais passé mes 10 dernières années. Ma conjointe était ouverte et raisonnable, soucieuse de mes désirs et de mes besoins, respectueuse de mes idées. Mais « elle » ? Elle non.

J’étais déçu – déçu que cette chose à laquelle j’accordais autant d’importance soit si violemment rejetée, et déçu que ce soit ma conjointe qui l’ait fait.

Et maintenant ?

C’est malheureux la façon dont les craintes et les insécurités peuvent affecter notre jugement. C’est dommage que les attentes et les présomptions en fassent très souvent autant.

La solution à court terme fut de rétablir le statu quo – de laisser la poussière retomber et nous permettre à chacun de rebâtir une image positive de l’autre.

Mais le court terme est ce qu’il est, et il viendra un temps où la question devra être relancée.

Si ma conjointe reste sur ses positions, la décision finale m’incombera. C’est une idée, honnêtement, qui me terrorise. Parce que faire du polyamour un choix de vie ne garantit en rien de nombreuses et fortuites rencontres. Qu’importe ce qu’en penserait Kipling, je ne suis peut-être pas prêt à tout risquer sur un simple jet de dés…

(À suivre)

Patrick

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